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Billet publié le 28 Décembre 2023

Delors : Un grand projet sous la pluie

L’annonce du décès de Jacques Delors, mercredi 27 décembre 2023, a immédiatement suscité de nombreux éloges de l'homme justement décrit comme un des « Pères de la monnaie et du marché unique européens ». Sans minimiser en rien le rôle du grand européen qu’il a été, ces appréciations peuvent être complétées par la relation de tractations non publiques dont l’auteur de ces lignes a eu connaissance par certaines sources, aujourd'hui titulaires de fonctions importantes à la Commission Européenne. Elles illustrent combien la position du Royaume Uni était alors sensiblement plus complexe que son image connue. Plusieurs de ses aspects ne sont pas sans ironie.

Jacques Delors, après son grand discours devant le parlement européen à Strasbourg en tant que futur président de la Commission Européenne s’était retiré sous une pluie battante avec une poignée de collaborateurs dans l'arrière-salle d'un restaurant de la ville. Les témoins ont rapporté en ces termes ses propos. « Nous avons besoin maintenant d'un grand projet pour relancer l'Europe qui est en sommeil. Nous devons aussi réveiller les veilles tentatives d'avancer vers une monnaie commune. Pour cela il faudrait amener le Royaume Uni de Thatcher, toujours réticente, à participer à une conférence intergouvernementale sur le sujet. »

Un jeune fonctionnaire aurait alors fait cette proposition : « Nous pourrions faire d’une pierre deux coups. Là où nous voyons L'Europe comme un projet politique les Britanniques voient un marché commun, une grande opportunité commerciale. L'ouverture de tous les marchés des pays membres à toujours buté contre la complexité de l’entreprise…Nous pourrions proposer à Thatcher un nouveau grand projet dans ce sens en contrepartie de sa participation à la conférence. »

Cette anecdote racontée au présent correspondant, donne ainsi la genèse presque fortuite des deux grandes réformes « deloriennes ».

 

Ironies et contradictions

L’ironie vient de ce qui est connu. Au sommet de l’Élysée lorsque Pompidou avait accepté l’entrée du RU dans la CEE, Heath avait obtenu trois concessions majeures : 1- un accord en principe de lancer des travaux sur la création d’une monnaie commune (engagement étouffé par la crise pétrolière de 1973/74), 2- un engagement de mettre sur pied une politique régionale commune « 3- une clause autorisant le RU à renégocier ses contributions au budget communautaire, tant leur évolution devenait imprévisible.

Par la suite Thatcher a nommé un avocat Lord Cockfield (prononcé cofeeld) comme commissaire européen en lui obtenant la responsabilité de mise en œuvre de l’ouverture des marchés internes. Celui-ci a brisé les obstacles au moyen d’environ 300 directives et régulations. La solution simple imposée par Cockfield : à savoir, décréter que tout ce qui est commercialement légal dans un pays membre le sera dans les autres.

Le marché unique aurait été ainsi été conçu sur les besoins et désirs libéraux du Royaume Uni contre la tradition de priorité des intérêts nationaux, notamment en France.

Ironies ultimes : Le RU n’a finalement pas adhéré à la monnaie unique, et c’est la sortie du marché unique (enfant du RU) qui a été, et reste toujours, la raison invoquée du Brexit.

Aujourd’hui Delors, Pompidou, Heath sont tous décédés comme tous les hommes extraordinaires qui ont su mettre de côté les rancunes terribles de la guerre pour construire l’héritage aujourd’hui si menacé en 2023/2024.

N’est-il pas temps de se réunir discrètement à nouveau sur un grand projet européen, avant qu’une pluie battante ne nous noie ?

George Murray

L’auteur a été expert du « Groupeuro pendant environ cinq ans auprès du cabinet du Commissaire des Affaires Monétaires Yves Thibault de Silguy, chargé du lancement de l’Euro, chose faite avec une équipe de moins de 20 personnes (ou 60 si on inclut les conseils occasionnels des experts sur des sujets tels que la TVA et l’informatique …)

George MURRAY

Billet publié le 26 Mai 2023

Révolution plutôt que réforme

La réticence des Français aux réformes nécessaires ne provoque pas seulement les sourires de nos amis et la joie de nos adversaires, elle nous condamne à des révolutions, ultime moyen de nous adapter aux évolutions du monde. La réforme des retraites n’est pas le principal des défis que nous devons relever, mais il est une illustration troublante de cette impossibilité nationale....

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Billet publié le 22 Mars 2023

Retraites, paradoxes français

Les Français s’interrogent sur la nature de la crise qu’ils vivent. Avec ou sans réforme des retraites, leur situation n’est pourtant guère originale. Référendum du « Brexit » en 2016, élection de Trump en 2017, élections législatives allemandes peu claires en 2021, réélection d’Emmanuel Macron sans majorité parlementaire en 2022. La plupart des pays héritiers des révolutions industrielles successives qui, à partir du XIXe siècle ont installé le monde dans un nouveau cours, peinent désormais à maîtriser la mondialisation croissante de l’économie, la généralisation des techniques numériques et le développement des neuro-sciences. Les traumatismes qui en résultent semblent parfois leur faire perdre raison, comme si les feux de l’esprit des Lumières s’éteignaient peu à peu.

Dans ce courant, notre pays se singularise en revanche, selon ses traditions séculaires et sans craindre le paradoxe. Au moment où l’économie française retrouve une orientation favorable, avec des conséquences sociales positives, notamment pour le niveau d’emploi, l’opinion des Français semble ne plus percevoir les réalités. Un goût d’insurrection renait. Les psychodrames politiques se multiplient. Certains Parlementaires cèdent aux jeux de massacres. Une nostalgie de notre illustre « Révolution » retrouve vie avec ses délices, ses rêves et ses frissons.

La récente tentative de réforme du système des retraites en offre l'illustration, autant pour la peur qu’elle diffuse que pour les rêves qu’elle engendre. L’indignation devant le choix de 64 ans comme âge de référence a un côté presque surréaliste lorsque la plupart des pays européens s’approchent de 67 ans. Avons nous conscience qu’entre la retraite, la durée réelle du travail hebdomadaire, les congés annuels et les innombrables chômages « de facilité », notre temps de travail total est un des plus faibles au monde par rapport à la durée moyenne de vie ?

L’«insupportable injustice » de la réforme adoptée n’est pas moins surprenante lorsque une addition de cas particuliers - dont certains peuvent mériter attention - sert à justifier d’indéfendables inégalités de masses, comme celles des « régimes spéciaux » dont la justification a disparu depuis plus d’un demi-siècle ou de pratiques de « services publics », bénéficiant d’inexplicables privilèges en comparaison avec les réalités du secteur économique privé.

Comment défendre des principes de « solidarité » garantis par un système de répartition en refusant d’admettre qu’en l’absence de réformes les conséquences financières d’une évolution démographique parfaitement visible condamnent celui-ci à la ruine et menacent la souveraineté nationale, compte tenu du niveau de notre dette publique ?

L’ «illégitimité démocratique» de la procédure de réforme choisie n’a pas plus de fondement. Tout autant travestie est en effet la présentation du fameux article 49.3, inscrit dans la Constitution depuis plus de 60 ans et utilisé par des majorités de toutes couleurs politiques. Il est en fait plutôt une garantie démocratique pour la sauvegarde d'un pouvoir nécessaire à l'exercice de l’intérêt général, en évitant qu’un conglomérat de minorités, sans aucun projet commun, bloque son exercice et ouvre la porte à une anarchie, classique prélude à la dictature ?

La faiblesse des analyses apparentes de raison, dans une large part de l’opinion et de la classe politique, peut à première vue surprendre, lorsque tant d’autres sujets sont à juste titre préoccupants, notamment dans des secteurs aujourd’hui en crise, alors qu’ils étaient naguère marqués par le succès, comme ceux de l’énergie, des télécommunications, de l’industrie spatiale ou de l’agriculture , sans parler de l’école ou de fonctions régaliennes dont nous avons sciemment sacrifié le financement au niveau nécessaire.

Le plus surprenant est peut-être la confusion aujourd’hui volontairement acceptée entre le point de vue de minorités bruyantes conditionnées par d’habiles manœuvres politiciennes et une opinion publique, certes inquiète et souvent mécontente pour des raisons très variées, mais qui dans sa grande majorité attend du pouvoir politique moins des propositions d’aventure que des orientations claires en réponse à ses préoccupations.

S’il est une crise à prendre en compte et dont sont comptables les responsables publics, c’est bien sur ces sujets qu’il faut l’apprécier, au regard des conditions de fonctionnement de notre démocratie et, osons le dire, de la pérennité de notre civilisation.

Henri PIGEAT

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Billet publié le 13 Octobre 2022

Enseignement, le temps des réalités

Le projet de Loi de Finance pour 2023 illustre les difficultés d’ajustement d’un affichage de dépenses jugées politiquement légitimes et de prévisions de recettes toujours optimistes. Le « volontarisme » de l’exercice ne peut cependant que laisser perplexe.

Le domaine de l’enseignement public en offre l’exemple, dans son écartèlement entre des besoins évidents et la difficulté de nouvelles dépenses qui n’ont plus de ressources, même par la dette....

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Billet publié le 26 Juillet 2022

Le monde a faim

De tous les chiffre qui illustrent l’état de notre monde, celui qui surveille l’alimentation des populations est le plus bouleversant : Une personne sur dix, soit 800 millions y souffre de la faim, et cette inégalité monstrueuse s’aggrave encore de près de 100 millions cette année. Ces données proviennent d’un rapport sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, publié par un ensemble d’organisations multilatérales réunies par le FAO (organisation ONUsienne chargée de l’agriculture et de la nutrition). Les contributions à ce rapport proviennent en partie de l’ OMS et de l’UNICEF. Ce rapport est le cinquième publié par la FAO.

Certes, les effets de la COVID sur ce programme ont joué un rôle très perturbant, comme ceux qui viendront de la guerre en Ukraine, que le rapport de la FAO ne fait que mentionner. Il vient en complément du Programme Alimentaire Mondial (PAM), qui se définit comme la première organisation humanitaire mondiale de lutte contre la faim, fournissant une aide alimentaire dans les situations d'urgence et travaillant avec les communautés pour améliorer la nutrition et renforcer la résilience.

Le PAM s'est engagé à éradiquer la faim, à assurer la sécurité alimentaire et à améliorer la nutrition d'ici 2030. D'ores et déjà, on sait que cet objectif ne sera pas atteint.

Pour ses efforts de lutte contre la faim, pour sa contribution à l’amélioration des conditions de paix dans les zones touchées par les conflits et pour avoir joué un rôle moteur dans les efforts visant à empêcher l’utilisation de la faim comme arme de guerre, le PAM a reçu le prix Nobel de la paix en 2020.

Comme cela est fréquent, ces positions politiques ne sont pas partagées par de nombreuses organisations non gouvernementales, qui reprochent à l’ONU et à ses dépendances de travailler avec les acteurs économiques du monde occidental, et notamment les multilatérales capitalistes, en négligeant les causes des problèmes.

Il est vrai que développement de l’aide humanitaire par l’ONU a été longtemps soutenu par les Etats-Unis, jusqu’à la remise en cause de ces programmes par le Président Trump. Le PAM intervient actuellement dans les situations d’urgence, comme en Ukraine, et dans les zones de conflit comme en Afrique. Ce dernier continent est de loin celui dans lequel la dénutrition liée à la pauvreté provoque les dégâts les plus lourds et les plus durables.

Jean-François LACRONIQUE

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La LETTRE : Numéro 180
Avril-Mai 2024

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L'EUROPE SOUS PRESSION

[titre]Européennes : l’ombre de la guerre L’hypothèse d’une défaite de l’Ukraine est désormais envisageable. Les dirigeants de l’UE ont pris la mesure du désastre possible en essayant de changer de s...

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Les NOTES

Dans la perspective des élections de 2017, Ilissos a entrepris la publication d'une série de notes d'étude sur des sujets d'actualité.

Premières notes parues ou à paraître :
La singularité française vue de l'étranger >
La réforme territoriale >
Le réchauffement climatique >
Vivre 130 ans >

Ces notes sont disponibles sous forme de :
Livret papier, édité à la demande par Blurb
Fichiers pdf imprimables ou convertibles en eBook (gratuit pour les abonnés)

Elles sont également visionnables sur le site par les abonnés et les acheteurs.

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Paradoxe Macronien

Jean-Charles PARACUELLOS, le 2024-04-12 :

En période de trouble et d’avenir incertain, les dirigeants d’un pays doivent-ils rassurer à tout prix leurs concitoyens en manifestant leur maîtrise de la situation ?...


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